Pinar Selek, sociologue turque condamnée à la prison à perpétuité affirme continuer la lutte

Peu de journaux ont relaté l’histoire de Pinar Selek, sociologue turque qui a été condamnée à la prison à vie le 24 janvier pour avoir supposément participé à un attentat en 1998. Fréquence Banane revient sur cette affaire.

L’histoire remonte au 9 juillet 1998 lorsqu’une explosion au Marché des Epices, lieu très touristique à Istanbul, se déclenche et cause la mort de sept personnes. Alors que les autorités n’ont pas de preuves démontrant la présence de Pinar Selek, elle est jugée coupable d’avoir aidé des rebelles kurdes à commettre cet attentat. Alors que de plus en plus de témoins infirment cette hypothèse d’attentat, comment la justice kurde a t-elle trouvé ces informations ? Selon le Courrier International, c’est un certain Abdülmecit Öztürk, jeune militant du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) qui a été arrêté et qui, sous la torture, a reconnu avoir préparé la bombe avec Pinar Selek. Arrêtée et battue, la police essaie de la faire avouer mais sans y parvenir. Quelques temps plus tard, le militant avoue ra que le nom de Pinar Selek lui a été soufflé par ses tortionnaires.

En 2000, un rapport d’experts affirme que l’explosion a en réalité due à une fuite de gaz. L’hypothèse de l’attentat écartée, la sociologue Selek devrait être innocentée, mais le pouvoir s’accroche. En quinze ans de procé

dure judiciaire, elle est acquittée trois fois (en 2006, 2008 et 2011). Or chaque acquittement de la 12ème Cour pénale d’Istanbul, la Cour de cassation fait appel et exige qu’elle soit rejugée. Ce 24 janvier 2013, Pinar Selek mais condamnée à perpétuité par cette même cour pénale.

Pinar_Selek_lors de sa conférence de presse le 25janvier 2013
Pinar_Selek_lors de sa conférence de presse le 25janvier 2013

On peut donc se demander ce qui motive les hautes autorités judiciaires à s’obstiner contre Pinar Selek. Issue d’une famille d’opposants au système, un article de Libération nous apprend que son grand-père, Cemal Hakki Selek, est l’un des fondateurs du Parti communiste turc et son père, Alp Selek, un célèbre avocat des droits de l’homme. Pinar, 41 ans, a suivi la lignée familiale militante. Sociologue, elle est connue pour ses recherches sur les minorités marginalisées comme les transsexuels ou les kurdes. Elle a aussi crée des ateliers de rue pour les enfants et est l’une des fondatrices de la revue féministe Amargi. Elle vit actuellement en exil à Strasbourg depuis 2009 où elle achève une thèse de doctorat en sciences politiques.

Comme en témoigne une vidéo sur le site internet du Courrier International, le verdict de la Justice a provoqué de vives réactions, provenant de milieux très hétérogènes montrant le soutien que reçoit la sociologue des différentes classes de la société turque mais aussi de la scène internationale et Pinar Selek n’est pas la seule. Selon l’article de Libération, quelques 80 journalistes sont aujourd’hui derrière les barreaux ainsi que 45 avocats, la plupart appartenant à des cabinets défendant des militants kurdes ou d’extrême gauche. Neuf de ces derniers ont été arrêtés la semaine dernière et inculpés «d’appartenance à une organisation terroriste» dans le cadre d’une vaste opération de police. Consciente d’être un « symbole de résistance », Pinar Selek va demander l’asile politique à la France afin d’éviter toute extradition et a annoncé lors de sa conférence de presse que la « lutte continue ».

 

L’article a été publié sur le site de Fréquence Banane le 7 février 2013.