Le 28 juillet 2013, les cambodgiens ont élu leur Parlement en maintenant le Parti du Peuple Cambodgien (PPC) au pouvoir. Les scrutins ont été contestés dès leur proclamation. Six semaines après et malgré la confirmation des résultats par la commission électorale du Cambodge, 20’000 personnes ont manifesté leur mécontentement dans les rues de Phnom Penh le samedi 7 septembre. Fréquence Banane déroule le fil des élections afin de mieux comprendre la situation.
Le PPC aurait donc gagné les élections législatives avec 68 sièges, contre 55 pour le Parti du Salut National du Cambodge (CNRP). Le PPC a comme figure de proue Hun Sen, au pouvoir depuis 1985 comme premier ministre. Selon Stuart White du Phnom Penh Post, les méthodes politiques pour mettre à mal les opposants ont changé ces dernières années. Elles sont en effet passées de la violence physique (en 1998, le corps d’un militant de l’opposition a été retrouvé dans un canal de la capitale) à des techniques plus, «subtiles ». « Aujourd’hui, la tendance est plutôt aux mises en causes publiques contre l’opposition et à l’ouverture de poursuites judiciaires ». C’est ce qui s’est passé avec Sam Rainsy, chef de file de l’opposition et du CNRP, qui a été condamné à onze ans de prison en 2010 pour atteinte à la sécurité de l’État. Il a depuis choisi l’exil.
Le retour du chef de l’opposition
Or, quelques jours avant le scrutin du 28 juillet, Hun Sen, opposant historique de Sam Rainsy, a demandé que ce dernier soit gracié par le roi. Kavi Chongkittavorn, du journal The Nation, énumère les raisons de cette demande dans son article « Hun Sen, l’art de durer ». Selon lui, Hun Sen essaie notamment de présenter une bonne image de lui et de son régime en se montrant favorable à un système multipartite ; il se profilerait également dans la perspective de la formation d’une coalition. Finalement, « la grâce royale constitue une soupape de sécurité destinée à empêcher la pression politique de monter jusqu’à l’explosion. »
Cependant, ce dernier vœu ne semble pas se réaliser comme Hun Sen l’avait prévu. Malgré un silence radio des médias que déplore le Phnom Penh Post, une foule de 100’000 personnes aurait accueilli le samedi 19 juillet le retour de Sam Rainsy. L’Agence France-Presse indique « qu’il n’a pas été autorisé à se présenter aux législatives mais sa présence a clairement galvanisé ses partisans et donné un souffle à son camp».
Élections du 28 juillet et leurs conséquences
C’est dans cette atmosphère que ce sont déroulées les élections de juillet qui ont été remises en question par le CNRP qui revendique 63 sièges et non 55 comme il a été annoncé. Le samedi 7 septembre s’est tenue une manifestation réunissant 20’000 personnes représentant différentes strates de la population tels que des étudiants et des moines. Les manifestants, qui avaient intensément répété leurs manifestations quelques jours plus tôt pour éviter des débordements demandent maintenant la « création d’une commission indépendante afin de résoudre les irrégularités des élections.
Et la suite ?
Pour le moment, la proclamation de la Commission électorale du Cambodge a rendu définitifs les résultats du 28 juillet. France-Presse relaie que « Hun Sen a assuré qu’il resterait premier ministre et formerait un nouveau gouvernement même si l’opposition boycottait le nouveau Parlement ». De son côté le CNRP a annoncé trois jours de manifestations dès aujourd’hui (15 septembre 2013)
Après avoir été placé sous couveuse internationale, le pays a été remis sur les rails de la démocratie dans les années 90. Depuis, le PPC règne sans partage sur tous les pouvoirs de l’état, bénéficiant d’une majorité absolue autant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Kavi Chongkittavorn indique que le « taux de participation aux élections organisées (en 1993) sous l’égide des Nations Unies avait atteint 89,6 % ». Il peut donc paraître surprenant que le Cambodge, qui commence à se faire une place dans le tourisme international et qui bénéficie d’une forte croissance économique, se soit dirigé vers un régime autoritaire et un fort népotisme. En effet comme l’indique Julia Wallace dans le New York Times « le PPC construit une dynastie de jeunes politiciens unis par des liens familiaux et commerciaux extrêmement étroits » car de nombreux dignitaires ont marié leurs enfants entre eux afin de transmettre le pouvoir à la prochaine génération.
L’article a été publié sur le site de Fréquence Banane le 15 septembre 2013.